Rilke

samedi 2 septembre 2017
Tournée d'été et Interview France Bleu
Interview France Bleu :
https://www.francebleu.fr/emissions/c-est-la-vie-2-charentes/la-rochelle/virginie-troussier-auteur-de-pendant-que-les-champs-brulent-en-dedicace-dans-la-region
Dédicaces Chatelaillon Plage & Cultura la Rochelle :
https://www.francebleu.fr/emissions/c-est-la-vie-2-charentes/la-rochelle/virginie-troussier-auteur-de-pendant-que-les-champs-brulent-en-dedicace-dans-la-region
Dédicaces Chatelaillon Plage & Cultura la Rochelle :
mercredi 2 août 2017
Interview sur le site d'Alpinisme "Pas que des collants"
Interview Virginie Troussier – -auteur – Pendant que les champs brulent
on in INTERVIEWS LIVRES

Aujourd’hui sur le blog nous vous amenons à rencontrer Virginie Troussier auteur de Pendant que les champs brulent aux édition La Découvrance (dont nous vous parlions déjà dans nos conseils de lecture du printemps ). Nous avons vraiment aimé et vibré en lisant les pages de cet ouvrage, nous souhaitions donc vous faire découvrir son auteur.

Interview de Virginie Troussier
Virginie, on vous a découverte par le livre autobiographique « pendant que les champs brûlent » un livre que vous résumeriez comment en quelques lignes?
C’est un livre qui questionne la quête de sensations à travers une échappée géographique et amoureuse. Ce sont de courts chapitres, comme des peintures, qui racontent ces moments où nous ressentons ce qui nous dépasse. Il est question de tout ce qui consume, de tout ce qui épaissit le sang, de tout ce qui crépite et rend les instants brillants. L’histoire se déroule des sommets alpins aux profondeurs de l’océan.

On vous sait originaire du Vercors, pouvez-vous nous décrire un peu votre parcours?
Ma famille est originaire du plateau matheysin, au-dessus de Grenoble. Nous avons toujours arpenté les montagnes tout autour. Mes parents vivent aujourd’hui en Maurienne où j’y ai passé toute ma scolarité jusqu’au bac. J’ai ensuite fait 2 ans d’hypokhâgne/khâgne à Annecy puis une école de communication/journalisme à Grenoble.
J’ai adoré étudier au cœur des montagnes.
Je me souviens des longues heures à la bibliothèque d’Annecy face au lac, avec vue sur les hauteurs. C’était idéal. J’en ai profité pour continuer le ski alpin en compétition, préparé le monitorat en parallèle, et puis j’ai eu envie d’ailleurs, alors je suis partie terminer mes études au Danemark. A mon retour, je me suis dit qu’il fallait que je vive loin de ce que je connaissais depuis toujours, pour m’enrichir davantage. J’avais pourtant trouvé un emploi qui correspondait à mes attentes, j’allais travailler dans le domaine du sport, mais j’ai finalement préféré sortir de ma zone de confort et de connaissance. J’ai souhaité vivre à Paris aimantée par mon imaginaire littéraire. Paris, c’est comme un lieu d’origine pour les écrivains, qu’on y soit né ou non. Il y a un fort rassemblement d’énergie culturelle. Deux mois après la fin de mes études, j’y étais installée pour mon plus grand plaisir !
Ce livre est riche en émotion, en sentiment, souhaitiez-vous par la lecture de ce livre faire ressentir au lecteur les sensations de ces grands espaces que sont la montagne et la mer ?
J’avais envie d’écrire un livre très sensoriel, presque physique. Je voulais que le lecteur sente le soleil sur la peau, le vertige des sommets, la glisse sur les vagues, qu’il ait le souffle coupé. Je souhaitais un texte qui sollicite tous les sens, et pas seulement notre intellect. Un écrivain est avant tout un être de chair je crois. Je voulais transmettre des émotions fortes, écrire avec mon corps mais aussi avec la matière : le vent, la mer, la neige. Il me fallait coïncider avec tout ce qui respire.
Le livre devient ensuite un écrin pour la plus sincère des émotions.

Dans ce livre on se rend compte que les milieux marins et montagnards présentent de grandes similitudes. Comment en êtes-vous venue à la mer ?
Ce fut un peu par hasard. Je venais de passer plusieurs longs mois sans m’aérer, sans sortir de Paris qui peut vous happer facilement dans son effervescence, je travaillais sur un projet de documentaire à France Culture, je devais partir en Norvège skier. La radio a annulé au dernier moment. J’étais anéantie. J’ai eu alors envie de grand air et de nouveauté. Je voulais du bleu pétardant, du mistral violent, de la glisse et un peu de chaleur. Je suis partie seule faire un stage de navigation à Marseille. J’ai très vite été mordue. J’ai retrouvé cette immensité que je chéris tant en montagne et cette confrontation aux éléments naturels. En montagne ou en mer, il n’y a pas de compromis possible. C’est une notion qui m’attire.
Dans ce livre on sent que vous savez vous consacrer intensément au moment présent. A l’heure où les gens vivent souvent déconnectés de leur ressenti et de leurs émotions loin de tout danger parfois dans un milieu aseptisé, faut-il y voir une ode au moment présent et aux éléments ?
Tout à fait.
L’instant est fugace, souvent il ne compte pas.
La plupart du temps, nous ne nous occupons pas de lui. Et puis arrive un moment saisissant, magnifique : quand on escalade un rocher, quand on glisse sur les vagues, quand on rencontre quelqu’un, quand on éclate de rire, d’un coup, on ressent physiquement que l’instant n’est pas autre chose que l’éternité. Alors forcément, on prend goût à cela. Dans les sensations très intenses, le temps semble s’arrêter, et laisse la totalité des impressions se cristalliser dans la conscience. Il faut donc aller chercher ce qui nous fait vibrer, ce qui nous passionne et nous anime follement. Et dans la nature, il y a l’idée d’une énergie pulsative. Ce que j’aime, c’est ce sentiment d’appartenir à l’édifice du vivant. Dans la plongée dans l’élément, il y a la dissolution de l’être, de l’identité, dans l’indifférencié d’un ciel, d’un champ de neige, d’une mer agitée. On oscille entre l’unité de soi et l’extraction de soi, deux états à rechercher il me semble.

Aviez-vous eu dans l’idée au moment d’écrire ce livre de chercher à inspirer d’autres femmes ou jeunes filles à se réaliser au travers d’une passion (sportive ou non) ? Ou simplement de tenter de découvrir les immensités de la mer et de la montagne?
Le sport, c’est un révélateur puissant de l’homme, il éclaire les facettes d’une personnalité, il dévoile les aspects cachés, il contribue autant à l’exploration du monde environnant qu’à la découverte de ses propres possibilités. Avec l’exercice des sensations, on fouille l’opacité de nos corps. On explore nos motivations profondes. Les situations fortes évoquent pour moi une recherche instinctive de soi qui passe par l’état brut. Dans le livre, je parle de windsurf, de voile, du ski, de rando…des sports assez intenses. J’ai eu envie d’en parler de manière puissante, de façon picturale et sensitive, pour donner envie de s’y plonger, d’aller chercher tout au bout de soi une réalisation. Et puis, j’ai aimé parler de sport, de la recherche du geste parfait, de la concentration, de l’esthétique, du mental du guerrier. J’y trouve une grâce et je pense que vos lecteurs/lectrices connaissent bien cela. Enfin, si j’ai donné envie aux femmes alpinistes de votre blog de découvrir la mer, alors je serais absolument ravie !
Si vous pouviez adresser un message à ces jeunes filles ou ces femmes qu’aimeriez-vous leur dire ?
Je pense qu’il est nécessaire de s’aventurer hors de soi-même, hors des limites du conformisme. Les limites sont un crime contre l’imagination. Partir à l’aventure, partir en montagne, en mer, sortir de sa zone de confort, c’est franchir la ligne et échapper à la régulation.
J’ai souvent peur quand je pars naviguer en windsurf ou lorsque je pars en montagne. Je crains de ne pas être au niveau, et je pense au danger. Bien sûr, je ne prône pas l’insouciance et je ne fais pas l’éloge du risque suicidaire. Je pense, en revanche, que l’engagement est essentiel, on ne doit pas céder à la peur qui nous prend à la gorge avant l’action. Je crois que la vulnérabilité nous rend plus vivant. En la ressentant partout et davantage, elle accroit notre fort désir de vie. Ensuite, notre liberté c’est de choisir nos exigences.
On a un petit passage obligé chez On n’est pas que des collants, on demande à ce que les interviewés nous ouvre leur sac. Et vous, que renferme votre sac de montagne ou pour la mer ?
En dehors de l’équipement purement spécifique, j’essaie de m’alléger au maximum, j’ai donc un petit sac commun aux deux pratiques qui contient :
- une paire de grosses chaussettes de ski,
- une lampe frontale,
- un bon bonnet,
- crème solaire grande protection,
- des lunettes,
- un shampoing sec,
- des petits bouts (ou des petites cordes : le terme n’est pas le même selon l’activité !),
- un couteau,
- mon téléphone (qui reste souvent sans réseau en mer ou montagne), je l’utilise juste pour prendre quelques photos,
- au moins deux livres,
- des amandes,
- des raisins secs,
- une petite bouteille de champagne. (bon, ça c’est un rituel personnel en mer, mais en montagne, ça reste trop lourd !)
Merci Virginie Troussier de vous être prêtée au jeu de l’interview.
Un grand merci à vous et longue vie à votre fabuleux blog !
lundi 31 juillet 2017
Chronique de l'écrivain Jacques Josse
Je conseille au passage son très bon livre sur Marco Pantani, je l'avais adoré. Je suis aujourd'hui très honorée par sa lecture de Pendant que les champs brûlent.
Pendant que les champs brûlent
C'est un livre de grand air et d'intense respiration que signe ici Virginie Troussier. Un livre où le dépassement de soi permet de créer une belle harmonie entre le corps et la tête, ainsi qu'entre les rêves et la réalité, et ce grâce au voyage, à la liberté, à la rencontre de l'homme avec lequel elle va vivre ces moments qu'elle raconte en une succession de courts chapitres. Son écriture est énergique et condensée, concrète et suggestive.
« Je voulais écrire cette histoire d'une façon ou d'une autre, la fixer quelque part dans un livre avant que celle-ci ne me devienne irréelle. »
Tout débute par un rêve, symbolisé par une chaleur intense qui embrase tout ce qu'elle touche et en particulier la narratrice qui habite alors à Paris. Si elle aime déambuler dans la ville, elle n'hésite pas non plus à s'en éloigner si nécessaire. Cap à l'ouest ou au sud, peu importe pourvu que l'esprit s'ouvre aux vents porteurs.
« De l'abîme à l'azur, épouser les vertiges, côtoyer le risque sous toutes ses formes, se confronter à des propriétés très peu humaines, peut-être. Le vent soufflait encore comme s'il fallait rallumer la braise. C'est ainsi que de Paris il a fallu que je m'échappe. Que je cherche l'air. »
Elle éprouve le besoin de sentir son corps répondre du tac au tac dès qu'elle le sollicite. Que ce soit sur un bateau, dans l'eau ou en montagne. Il doit être fin et affûté. L'adrénaline qui court en lui doit être capable de dicter au cerveau des sensations de bien-être et de plénitude. Être à deux, en l'occurrence en compagnie de Billy, marin expérimenté qu'elle a rencontré à Marseille, décuple ses forces. « J'avais le sentiment de multiplier ma liberté », dit-elle.
Ce sont quelques parcelles de cette liberté partagée qu'elle dévoile. Cela a lieu en Bretagne ou en Espagne. Durant de longues nuits en mer, avec manœuvres délicates mais aussi farniente et discussions à la clé. Jusqu'au final, plus solitaire, dans une chambre d'hôpital en montagne, où l'appelait une autre de ses passions, celle des sommets à gravir pour éprouver encore une fois ce corps qui s'avère parfois plus fragile qu'on ne le pense. C'est ce que nous rappelle également Virginie Troussier dans ce récit dynamique et revigorant.
Virginie Troussier : Pendant que les champs brûlent, La Découvrance.
Dans la sélection des livres pour l'été
Pendant que les champs brûlent fait partie des 3 incontournables de la rentrée selon Nicole Grundlinger.
Des idées de lecture pour les vacances ? C'est par ici...
24 Juin 2017 , Rédigé par Nicole GrundlingerPublié dans #Listes

Pour commencer, un trio gagnant. Trois livres qui mettent à l'honneur l'exaltation des sentiments, trois voyages aux confins de la passion, chacun dans son style :
- Trois saisons d'orage de Cécile Coulon : l'auteur convoque la puissance de la nature qui prend la forme d'un théâtre antique comme écrin à l'expression des passions. C'est fort, charnel, impressionnant de maîtrise.
- Pendant que les champs brûlent de Virginie Troussier : le livre qui vous fait vous sentir vivant, vous percute les sens, vous incite à prendre conscience de la moindre sensation. Intense, sensuel, profondément marquant.
- Les filles au lion de Jessie Burton : un pavé que vous ne lâcherez pas, une plongée dans la puissance de la force créatrice artistique, vecteur d'émancipation auprès d'héroïnes inoubliables. Rythmé, vibrant, passionnément romanesque.
mardi 27 juin 2017
"Une pépite" selon le blog Joligood
Pendant que les champs brûlent, Virginie Troussier
Je connais Virginie Troussier et je ne la connais pas. Je l’ai croisée quelques fois, dans le cadre professionnel, au détour d’une machine à café, mais jamais sur des skis ou derrière un gouvernail. Pourtant, c’est une aventurière. Et son nouveau roman (déjà son troisième !) est à son image (en tout cas celle que je perçois) : solaire, il brûle, vibre, pétille et dégage une énergie folle, communicative et entraînante. C’est un roman sensationnel, au sens où il nous fait vivre, par procuration, des sensations fortes et exaltantes. Quelle chance de pouvoir voyager depuis son canapé et partager les escapades maritimes de Virginie et Billy, parfois dangereuses mais toujours vivifiantes! Moi qui éprouve un amour inconditionnel, voire viscéral, pour le vent (surtout quand il fait danser les arbres ou caresse ma peau), j’ai aussi beaucoup aimé la façon dont elle décrit cet élément puissant de façon si réelle qu’on le sentirait presque fouetter notre visage à chaque page (« Le vent soufflait. Le vent ravivait toujours plus fort le feu, il anéantissait toutes les frises chronologiques. Il créait des flammes en forme d’arabesques. Ce vent aimé et traqué par les âmes et les herbes folles, rien ne parvenait à corrompre son irruption discrète »). On plonge dans ce livre par curiosité, puis on se laisse dériver au grès des pages, happée, comme en apnée, pour enfin en émerger comme vivifiée par ce souffle de liberté mais aussi contemplative et apaisée (je ne me l’explique pas). Bonne lecture et bon voyage !
mardi 13 juin 2017
Au Festival Etonnants Voyageurs à St Malo
Sur le Stand la Découvrance avec la librairie La Droguerie de la Marine
Échappée du festival - 20/25 nœuds établis - Littérature buissonnière
Le coup de coeur de Nicole Grundlinger
Pendant que les champs brûlent - Virginie Troussier
19 Mai 2017 , Rédigé par Nicole GrundlingerPublié dans #Récits, #Coups de coeur

"Nous ne sommes pas des plantes. On n'a pas de racines dans le sol, on devrait en profiter au lieu de s'en inventer ou de creuser pour vérifier. On a un corps qui peut se planter là où ça n'était pas prévu. On a le pouvoir d'imaginer ça. On a une vie nomade et intérieure. L'espace, on l'habite et on le fait défiler."
Et là, ça percute. Défilent soudain des décennies d'une vie sage, casanière, tranquille, raisonnable... tout sauf brûlante. Affleurent des souvenirs d'envies de prendre le large, des refus d'attaches, une volonté de ne pas s'enraciner... sans pourtant être capable de déployer ses ailes. Alors, ce récit est soudain reçu comme un révélateur, une évidence. Parce que c'est de vie dont il est question, des sensations qui nous font nous sentir vivants au contact des éléments. La terre, l'eau, le feu. Et au milieu, nous.
Pour la narratrice, la recherche de sensations ou plutôt l'attention qu'elle leur porte est permanente. Sur un voilier luttant contre les rafales et les vagues, sur les pentes d'une montagne face aux avalanches, mais aussi dans les rues de Paris où pèsent les fantômes du passé et où peut rôder la mort. Ce n'est pas l'exploit qu'elle cible, mais l'intensité particulière de ces moments où toute sa personne fait corps avec son environnement jusqu'à atteindre un état de pleine conscience. Sur un fil, face au risque, la vie prend une saveur particulière.
De la Bretagne au sud de l'Espagne en passant par les sommets alpins, on a l'impression de sentir l'air passer dans nos poumons, les embruns humidifier nos peaux, le soleil bruler nos yeux. J'avoue que j'ai rarement ressenti autant ce que je lisais. Virginie Troussier m'a offert une expérience de lecture totalement inédite. Entre sensations et contemplation, à contre-courant d'un monde qui accélère, brouille les sens et vole le temps. Sans oublier l'amour, seul à même de rivaliser avec les éléments.
"Nous portons tous en nous une terre précieuse, promise, une croix sur une carte, un cairn personnel, un butin habitable, quelque part. Une île à soi."
Il n'est peut-être pas trop tard pour trouver la mienne.
"Pendant que les champs brûlent" - Virginie Troussier - La Découvrance - 166 pages
Virginie Troussier est originaire des Alpes où elle a longtemps escaladé des montagnes et pratiqué le ski en compétition. Installée à Paris, elle collabore régulièrement à Montagnes Magazine, Voile Magazine et actualitte.com. Entre deux chroniques à France Bleu, elle navigue le plus souvent possible entre les côtes bretonnes et charentaises.
http://www.motspourmots.fr/2017/05/pendant-que-les-champs-brulent-virginie-troussier.html
http://www.motspourmots.fr/2017/05/pendant-que-les-champs-brulent-virginie-troussier.html
mercredi 17 mai 2017
Esquisse d'un portrait derrière les mots de Marc Villemain - ici
Virginie Troussier - Pendant que les champs brûlent
Virginie Troussier,
ou l'empire de la sensation
Virginie Troussier est de moins en moins romancière et de plus en plus écrivaine : voilà ce que j'ai spontanément songé en commençant ce nouveau texte - au titre si beau, soit dit en passant, qui mêle à une impression sensible et terrienne une sorte d'onirisme incandescent. Son livre précédent, Envole-toi Octobre, témoignait déjà, fût-ce entre les lignes mais avec une force drue et singulière, des mobiles de son écriture : il ne s'agissait ni de (se) raconter des histoires, ni d'inviter à la réflexion, pas plus que de s'amuser avec la langue - quoiqu'elle entretienne avec elle un rapport concret, physiologique -, mais d'essayer de saisir ce qui la faisait telle qu'elle était, mais d'explorer les origines non de la vie mais de son être propre ; d'écrire comme pour trouver, dans le temps même de l'écriture, le grand air dont elle éprouve tout l'impérieux besoin.
Le grand air : la transition est toute trouvée pour qui veut évoquer l'oeuvre de Troussier. Nous la savions skieuse de haut niveau, voilà que nous la découvrons louve de mer : plus que jamais écrivaine et femme de la sensation. D'une certaine manière, on pourrait d'ailleurs considérer que tous ses livres n'ont de cesse de dire et clamer la chose - et à nouveau dans celui-ci, donc : « Nous ne connaissons et nous ne sommes vraiment rien d’autre que ce que nous sentons. » C'est un quasi leitmotiv auquel nous pourrions la résumer, à quoi au moins il serait loisible de rattacher tous ses textes. Si bien qu'il n'y a jamais le moindre désir de jeu entre Virginie Troussier et son personnage d'écrivain, pas la moindre dissociation de personnalité, jamais la moindre imposture. À bien des égards son écriture et son travail semblent relever d'une sorte d'éthique de la vérité. Elle dit très bien d'ailleurs de ce nouveau texte qu'elle avait à coeur de « fixer cette histoire une fois pour toutes », consciente que ce qui adviendrait ensuite pourrait en « ternir l'éclat » et avertie du fait que « la littérature fait briller les instants passés » et leur fait courir le risque du « lustre ». Écrire semble toujours pour elle être le seul moyen dont elle dispose pour que les choses de la vie ne cessent jamais de briller. Comme si la passion viscérale qu'elle éprouvait à vivre lui faisait redouter l'oubli de l'unicité de chaque instant. Comme si, à vivre ainsi qu'elle le faisait, c'est-à-dire entièrement, individuellement (et pour peu que le mot soit délesté de sa valeur morale, on oserait presque dire égoïstement) lui faisait redouter, avec l'âge et le temps, que les choses s'évaporent. Ce nouveau récit confirme ce qu'il m'avait semblé entrevoir dès Folle d'absinthe, son premier roman, à savoir que Troussier cherche à thésauriser les sensations et les sentiments pour neutraliser autant que possible la perspective mélancolique, et au fond assez funeste, de leur effacement programmé.
C'est là une logique implacable qui, comme écrivain, m'intéresse au plus haut point : quand j'ai tendance, moi (mais la chose vaut pour nombre d'auteurs), à ne réagir qu'après-coup, autrement dit à devoir plonger dans le souvenir - donc, peu ou prou, dans la nostalgie - pour tenter de revivre ou de faire revivre un temps vécu, Virginie Troussier s'acharne à en noter aussitôt, et pour ainsi dire en le vivant, l'empire et la densité. Cet acharnement a tout l'air d'une discipline. À ceux qui, comme dans la chanson, s'efforcent de fuir le bonheur de peur qu'il se sauve, elle pourrait répondre en somme qu'il faut au contraire ne pas hésiter à le vivre mais à la condition expresse de le mémoriser dans sa chair, d'en conserver matériellement ce qui en fait le caractère unique et indestructible. Et la chose bien sûr vaut aussi pour les coups durs, les mauvaises passes, toutes ces saisons que le coeur traverse avec un sentiment d'incomplétude, d'ennui ou de vacuité.
Dans tous les cas, cela pose la question du corps et, tarte à la crème s'il en est, de son "dépassement". Mais ce qui est intéressant chez Virginie Troussier, c'est que le dit dépassement n'induit ou ne dit rien en lui-même. Ce n'est pas un jeu, ce n'est pas un sport, ce n'est pas même une discipline à laquelle on se plierait par habitude, hygiène mentale ou désir de progresser, mais une nécessité quasi métaphysique. Aller plus loin, oui, pas pour reculer je ne sais quelle limite physique ou mentale mais parce que là reposeraient, dans l'épreuve, dans la peine, voire dans la douleur, les conditions nécessaires à l'exhaussement de la beauté, de la plénitude, peut-être du bonheur. Il y a du mysticisme dans cette manière qu'elle a d'éprouver son corps, de le jeter contre les éléments, parfois au risque de la vie. L'adrénaline assurément doit bien avoir son rôle à jouer, toutefois l'intention est aux antipodes de la notion de spectacle ou d'exploit. Il s'agit bien, à chaque fois, de s'éprouver vivant. D'aller chercher au bout, tout au bout de soi, la sensation de la vie, la joie pure et démonstrative de sentir tout ce qui vibre en soi, palpite, hurle, pleure et rit. Or il faut bien pour cela, si ce n'est la côtoyer, au moins taquiner la mort. Ainsi, alors qu'une avalanche dans les montagnes du Vercors aura bien failli lui coûter la vie, elle note : « Je n’avais donc jamais été aussi vivante qu’au moment où j’étais presque morte. » Tout ramène toujours aux sensations, au recul de ces limites qui lui font éprouver l'entièreté et l'intégrité de la vie, et à cette dimension assez métaphysique, donc, qui la pousse à rechercher partout l'instinct vital et de survie. Elle a ce mot très joli lorsque, du côté de Tarifa, c'est la noyade qui cette fois la guette : « J’eus le temps de penser à Virginia Woolf qui entra dans l’eau avec des pierres dans les poches pour ne plus jamais en ressortir. J’observai mes mains se parer d’écailles bleutées et brillantes, je portais partout sur ma bouche un parfum qui m’était familier, ce parfum devint de plus en plus exaltant, à mesure que je sentais mes poumons devenir branchies. Cette odeur ressemblait à un poème appris avant de naître. »
Mais la passion bien sûr serait incomplète si l'amour n'y avait sa place... Et si nous passons d'Espagne en Bretagne et de Paris en Vercors, c'est toujours dans le halo d'une passion amoureuse que l'écrivaine aussi veut fixer, comme elle fixe tout le reste. Mais l'amour est-il la passion des passions ? Le lien qui unit la narratrice à Billy, marinier authentique, irréductible et contemplatif, lien aussi serré que, précisément, un noeud de marin, tient aussi à cet amour total, d'une pureté presque innocente pour les éléments. Comme si l'amour, finalement, était une manifestation parmi d'autres de la nature : il y a la mer, il y a la montagne, le vent et le sel, le froid et la chaleur, et il y a l'amour. À réagir aux moindres vibrations de ce qui l'environne, Virginie Troussier, peut-être sans en avoir pleinement conscience, finit par développer une sorte de panthéisme athée, où l'esthétique devient leçon de choses et chemin de vie, ce que je n'avais pas perçu à ce point dans ses précédents ouvrages. Et finit par donner avec ce texte (peut-être insuffisamment édité, ce sera là ma seule réserve) une leçon de vie et de dévoration particulièrement opportune en notre époque souvent démoralisante et en ce monde volontiers mortifère.
Les rencontres
Ci-dessus : à Lyon, à la librairie "Raconte-moi la Terre".
Ci-dessous, aux Nocturnes Littéraires, sur la place du village du Castellet.
dimanche 7 mai 2017
Mon article sur le Vendée Globe dans Voile Magazine
Que lire pendant votre Vendée Globe ?
Dans le numéro de mai de Voile Magazine, mon article sur les marins du Vendée Globe & la lecture. Que lisent-ils ? Qu'écrivent-ils ?
Signature/Rencontre Librairie Ulysse - île Saint Louis
Rencontre, Lecture, Dédicace de Pendant que les champs brûlent à la librairie Ulysse au coeur de l'île Saint-Louis le mercredi 3 mai à partir de 19h30.
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