Rilke

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mardi 31 août 2021

Rencontres d'été















 

Ode à l'inconnu


(cliquer sur les feuillets pour rendre les textes plus lisibles). 





 

Interview - RFI - 7 milliards de voisins - Dans la tête des champions






 

Dédicace Nos champions - Corps & Ames, avec François Gabart, à la librairie Albertine à Concarneau

 














Virginie Troussier au faîte du récit

Par l'écrivain Marc Villemain 

Voilà des années que je lis Virginie Troussier, et je dois dire que sa petite musique n’a jamais cessé de m’accompagner. Aussi bien, elle me semble occuper dans le panorama littéraire une place à part, discrète, en marge légère, mais de plus en plus reconnaissable. J’ai toujours été sensible à son écriture concurremment lyrique et délicate, d’une ferveur très maîtrisée, mais aussi à ses univers qui, même au plus haut du roman, s'arriment toujours, peu ou prou, à une sorte de récit intérieur. Dans ce nouveau livre au titre superbe, Au milieu de l’été, un invincible hiver, elle assume n’être plus strictement romancière pour s’en tenir à une sorte d’historiographie du drame ; mais où l’on retrouve tout ce qui fait l'énergique élégance de son écriture romanesque.

Le lecteur se souvient peut-être du drame du Pilier du Fréney, sur le versant sud du mont Blanc, qui endeuilla l’été 1961 et tint les médias français et italiens en haleine : la disparition de quatre alpinistes (sur une cordée de sept) de stature internationale (dont le Français Pierre Mazeaud, qui alors n'est pas tout à fait encore l'homme de loi et la personnalité politique que l'on connaîtra), après cinq jours et cinq nuits d'exposition à des vents et des températures que l’on peine seulement à s'imaginer. Vissée à hauteur d’homme, Virginie Troussier, née elle-même en haute montagne, tient le journal de bord et même les minutes de ce drame. La justesse documentée de ses observations, son empathie et son écriture très évocatrice nous donnent à en suivre le cours et nous permettraient presque d'éprouver l'effort surhumain que finissent par exiger de ces hommes le moindre geste, le moindre pas, la moindre parole. Aussi, progressivement, phrase après phrase, nous dérivons de la joie lumineuse et ardente des sommets vers les premiers signes de fatigue, de douleur puis de déréliction.

Au milieu de l'été... est une ode à l'état d'esprit camarade, solidaire, intrépide, pas tout à fait dénué d'un certain mysticisme, qui fait se tenir ensemble sept hommes au bout du bout de leurs forces et de leur désir de vivre. Comme toujours chez Troussier, le récit de ce qui est vécu fait fi de tout pathos, de toute rouerie, et sa quête de justesse étaye infatigablement le caractère poignant de ce qu'elle rapporte ou décrit ; sans avoir à y appuyer, elle montre bien d'ailleurs à quel point la quête des sommets est aussi celle d'une certaine hauteur d'âme. Au demeurant, l'on retrouve dans chacun de ses livres ce même désir farouche d'exprimer la nature exceptionnelle des sensations ultimes et de louer ce qui relève peut-être moins de la pratique sportive que de la réalisation d'un grand dessein : dans l'irréfragable solitude de l'homme, celui du dépassement et de la mise à l'épreuve de soi.

Virginie Troussier, Au milieu de l'été, un invincible hiver - Éditions Paulsen
De Virginie Troussier paraît également, aux Éditions Les PérégrinesNos champions, Corps et âmes.

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samedi 26 juin 2021

Le Matricule des Anges !

Une affinité organique entre l’homme et le rocher, chair et pierre, qui se cristallise dans des images récurrentes de dissolution : « les corps s’imbriquent dans le granit, abîme contre abîme. Dans la paume de leurs mains se dessine la rature des astres. Ils comptent leurs os, se regardent, ils sont en train de se dissoudre. » Merci Etienne Leterrier-Grimal pour ce bel article dans Le Matricule des Anges. 






Nos champions - corps et âmes - Belle chronique de Nicole Grundliger

 

Nos champions. Corps et âmes - Virginie Troussier

27 Mai 2021 , Rédigé par Nicole GrundlingerPublié dans #Récits

"Rien ne me fascine plus, ne me projette réellement hors de moi, que le geste d'un sportif de haut niveau. Quelque chose éclate, tant il y a d'énergie et de beauté mêlées. Une fulguration d'une puissance à vous flanquer par terre, qui n'a nul précédent et ne se répètera jamais plus."

Ainsi débute le récit de Virginie Troussier, par ces mots que j'aurais pu écrire tant ils reflètent très exactement ce qui me pousse à croire que le sport est le plus merveilleux spectacle au monde, celui qui me procure le plus d'émotions, d'étoiles dans les yeux et de frissons dans tout le corps. Non, ces champions n'ont rien d'ordinaire et cette exploration attentive des recoins de leurs esprits vise à tenter de saisir ce qui mène à l'extraordinaire. Supporters du dimanche, commentateurs de café du commerce passez votre chemin. Il est ici question d'amour, d'admiration, de courage, d'abnégation, de résilience. De force physique et de finesse mentale. De victoires et d'échecs. De ressources au-delà d'humaines.

Virginie Troussier est journaliste, écrivaine, sportive pratiquante et passionnée. Pour recueillir la matière de ce livre elle a rencontré longuement 16 athlètes, champions et championnes dans des disciplines très différentes, parfois méconnues du grand public. Antoine Albeau (l'un des plus grands palmarès de la voile), Léonore Baulac (danseuse étoile), Vincent Clerc (67 sélections en équipe de France de rugby), Justine Dupont (multiple championne du monde de surf), François Gabart (record de rapidité du tour du monde en solitaire à la voile), Bernard Hinault (vainqueur de 5 tours de France), Muriel Hurtis (championne d'Europe du 200m et du relais 4 x 400 m), Arnaud Jerald (apnéiste, l'un des meilleurs du monde), Michaël Jeremiasz (tennis en fauteuil, 4 médailles aux Jeux paralympiques), Bixente Lizarazu (international de football, champion du monde en 1998), Aurélie Muller (natation, multiple médaillée en bassin puis en eau libre), Sarah Ourahmoune (boxe, médaillée d'argent à Rio), Isabelle Severino (gymnaste, première médaillée française dans une compétition mondiale), Adrien Théaux (skieur aux multiples podiums en vitesse) et Xavier Thévenard (champion d'ultra-trail). Je tenais à les citer tous car ce qu'ils livrent est riche, précieux, intense et impeccablement mis en valeur par l'écoute, la sensibilité et le travail de Virginie.

Il y a d'abord ces mini-portraits pleins de vie, habiles à saisir l'essentiel, le piquant et le singulier en moins de vingt lignes. Parfaite introduction avant d'entrer dans le vif du sujet où vont s'intercaler au fil des chapitres, mises en perspective de l'auteure et sélection de verbatims des champions. De la genèse de l'athlète à l'accomplissement du champion, des ressources physiques au travail mental, de la concentration à la résilience, de la volonté propre à l'apport de l'entourage, l'alchimie subtile se laisse deviner sans jamais complètement briser le mystère, la magie qui mène parfois à la légende. Ce que le sport exige est extrême ; ce que le spectateur voit en compétition n'est que le millième de ce que produit le sportif au cours de sa vie. Et ce travail autant physique que mental, ces heures passées dans l'ombre sont la condition d'où émergera peut-être l'exploit. Ces quelques minutes où tout est exactement aligné comme il faut, que certains appellent la grâce et qui s'apparentent à une œuvre d'art. Cette sensation si éphémère et voluptueuse de la perfection à l'instant t. Le sport est un art et ceux qui le pratiquent sont des artistes dont on connaît un peu mieux les pensées grâce à ce livre et à la passion contagieuse de son auteure. A mettre entre toutes les mains des amoureux du sport.

"A chaque départ, il y a ces quelques secondes qui perlent sur les tempes, un temps infime suspendu au-dessus du vide et de l'inconnu, des tremblements qui traversent, le sang qui se disperse en rafale, un peu d'âme qui butte contre les dents et la poitrine qui se dilate."

"Nos champions. Corps et âmes" - Virginie Troussier - Les Pérégrines - 216 pages

Pour les amoureux du sport je rappelle que Virginie Troussier est également l'auteure (entre autres) de "Au milieu de l'été un invincible hiver" (merveilleux récit d'alpinisme sur le drame du Fresnay) et d'une passionnante biographie de Bode Miller.

http://www.motspourmots.fr/2021/05/nos-champions.corps-et-ames-virginie-troussier.html

Signature à la Librairie des Alpes le 17 juin en compagnie de Pierre Mazeaud





 

Souvenirs du Chamonix Film Festival

 Souvenirs de la première édition du Chamonix Film Festival - j'ai eu le plaisir de faire partie du jury aux côtés de Vivian Bruchez, Stéphanie Bodet, Lise Billon et Etienne Klein. 








Une histoire d'échecs, Victor Saunders, éditions Nevicata - Pour Montagnes Magazine

Victor Saunders publie une histoire d’échecs aux Editions NEVICATA, de fulgurants instantanés romanesques qui brassent sensations et réflexions, stupeurs et drôleries, continues ou discontinues : le chaos de la vie, de la montagne et du temps tout simplement. A lire dans le dernier numéro de Montagnes Magazine. 






Quelques mots de l'écrivain Marc Villemain au sujet d'Au milieu de l'été un invincible hiver

Virginie Troussier au faîte du récit

Voilà des années que je lis Virginie Troussier, et je dois dire que sa petite musique n’a jamais cessé de m’accompagner. Aussi bien, elle me semble occuper dans le panorama littéraire une place à part, discrète, en marge légère, mais de plus en plus reconnaissable. J’ai toujours été sensible à son écriture concurremment lyrique et délicate, d’une ferveur très maîtrisée, mais aussi à ses univers qui, même au plus haut du roman, s'arriment toujours, peu ou prou, à une sorte de récit intérieur. Dans ce nouveau livre au titre superbe, Au milieu de l’été, un invincible hiver, elle assume n’être plus strictement romancière pour s’en tenir à une sorte d’historiographie du drame ; mais où l’on retrouve tout ce qui fait l'énergique élégance de son écriture romanesque.

Le lecteur se souvient peut-être du drame du Pilier du Fréney, sur le versant sud du mont Blanc, qui endeuilla l’été 1961 et tint les médias français et italiens en haleine : la disparition de quatre alpinistes (sur une cordée de sept) de stature internationale (dont le Français Pierre Mazeaud, qui alors n'est pas tout à fait encore l'homme de loi et la personnalité politique que l'on connaîtra), après cinq jours et cinq nuits d'exposition à des vents et des températures que l’on peine seulement à s'imaginer. Vissée à hauteur d’homme, Virginie Troussier, née elle-même en haute montagne, tient le journal de bord et même les minutes de ce drame. La justesse documentée de ses observations, son empathie et son écriture très évocatrice nous donnent à en suivre le cours et nous permettraient presque d'éprouver l'effort surhumain que finissent par exiger de ces hommes le moindre geste, le moindre pas, la moindre parole. Aussi, progressivement, phrase après phrase, nous dérivons de la joie lumineuse et ardente des sommets vers les premiers signes de fatigue, de douleur puis de déréliction.

Au milieu de l'été... est une ode à l'état d'esprit camarade, solidaire, intrépide, pas tout à fait dénué d'un certain mysticisme, qui fait se tenir ensemble sept hommes au bout du bout de leurs forces et de leur désir de vivre. Comme toujours chez Troussier, le récit de ce qui est vécu fait fi de tout pathos, de toute rouerie, et sa quête de justesse étaye infatigablement le caractère poignant de ce qu'elle rapporte ou décrit ; sans avoir à y appuyer, elle montre bien d'ailleurs à quel point la quête des sommets est aussi celle d'une certaine hauteur d'âme. Au demeurant, l'on retrouve dans chacun de ses livres ce même désir farouche d'exprimer la nature exceptionnelle des sensations ultimes et de louer ce qui relève peut-être moins de la pratique sportive que de la réalisation d'un grand dessein : dans l'irréfragable solitude de l'homme, celui du dépassement et de la mise à l'épreuve de soi.

Virginie Troussier, Au milieu de l'été, un invincible hiver - Éditions Paulsen
De Virginie Troussier paraît également, aux Éditions Les PérégrinesNos champions, Corps et âmes.

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De sang froid - Article de Sylvain Tesson dans LIRE

 


dimanche 16 mai 2021

Le Figaro !

Impressionnant de réalisme et de force, ce livre est plus que le récit d’une aventure sportive virant au tragique. Virginie Troussier connaît la montagne comme elle connaît l’âme humaine, ses élans et ses failles. Elle dit aussi bien l’expérience des corps que celle de l’esprit. Avec une écriture puissante, elle nous parle d’alpinistes «entraînés par une volonté de l’ultime que l’on rencontre chez ceux que le sublime visite». Des hommes qui aiment «s’accomplir à l’air libre» et livrer leur corps à la matière du monde». Chez Walter Bonatti, «le geste pur d’escalader est sa manière radicale de se frotter à la vérité». Nul besoin d’être montagnard pour être pris par ce grand récit, qui dit le rapport de l’homme à la nature, toujours plus grande que lui. Et qui est aussi un hymne à la passion, au dépassement de soi, à l’envie de vivre et à l’amitié. 


Un grand merci à Arnaud de la Grange pour ce si beau papier dans Le Figaro. 






vendredi 30 avril 2021

Rendre les victimes du pilier du Freney vivantes - Le Temps

L'article est à lire ici :  https://www.letemps.ch/sport/rendre-victimes-pilier-freney-vivantes






Au Népal les femmes font bouger les lignes

Elles relèvent la tête, chaussent les crampons, tracent leurs voies, et dans ce mouvement, renversent les valeurs enseignées dans l’enfance, les modèles, les réflexes, les hiérarchies. L’Everest est bien plus qu’un ascension, il promet des libérations - à lire dans le dernier numéro de Montagnes Magazine au sujet du beau livre d’Anne Benoit-Janin : Les Népalaises de l’Everest - Éditions Glénat 






Écrire avec le froid, la neige, la foudre

 

Écrire avec le froid, la neige, la foudre





« Au milieu de l’été, un invincible hiver », remarquable récit de la journaliste et écrivaine Virginie Troussier, parle du drame du pilier du Frêney et offre une course haletante en montagne ainsi qu’une réflexion au sujet de la beauté, du risque, de la liberté et de la mort. De la vie, en somme. Entretien.



à retrouver ici : https://blogs.mediapart.fr/delaunay-matthieu/blog/110321/ecrire-avec-le-froid-la-neige-la-foudre?fbclid=IwAR1qY2OQ9OWjMDrpmXXvuZe72O-N37qXMLZNRXAxx1LojURiAE9iPCenNR8

Au milieu du malheur, une indicible vie - chronique de Matthieu Delaunay



L'AUTEUR·E

Journaliste et auteur aux éditions Transboréal
Montréal - Canada

« Il fallait du cran pour s’attaquer à cette histoire sur laquelle tant d’encre a coulé. Il fallait le sens du charnel et du sentiment pour nous permettre de vivre à travers les entrailles de ces types d’un autre temps. Il fallait du style et du souffle aussi pour passer au-delà du drame et nous emmener ailleurs qu’en agonie. Il fallait de l’amour enfin, pour donner à croire que la vie, même à travers la mort, n’était pas impossible. Il fallait, Virginie Troussier l’a fait. Qu’elle en soit ici infiniment remerciée. »
Chronique littéraire écrite d’une traite, après avoir dévoré « Au milieu de l’été, un invincible hiver », remarquable récit du drame du pilier du Frêney par la journaliste et écrivaine Virginie Troussier.



https://blogs.mediapart.fr/delaunay-matthieu/blog/260221/au-milieu-du-malheur-une-indicible-vie?fbclid=IwAR3y2E-DtdEMY404Acys3odSKCf8KbLVc-yGE7Qx_PkTifS3LH1YL_qpwzc

Libé !


 

Chronique de Fernando Ferreira - licencetowrite.com

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L’histoire vraie du drame du Frêney

Dans son précédent livre, « Pendant que les champs brûlent », Virginie Troussier nous donnait à ressentir l’intensité de la vie qui s’écoule en nous de paysages en voyages... Avec son nouveau manuscrit, « Au milieu de l’été, un invincible hiver », histoire vraie du drame du Frêney qui endeuilla l’alpinisme au début des années 60, elle continue ce récit sur la connaissance de soi confrontée à la force des éléments, leurs beautés et/ou leurs violences.  D’une écriture dense, fluide, poétique, toute en sensation, où la lumière des êtres s’oppose à la noirceur du drame, elle nous parle, dans l’épopée d’une poignée d’alpinistes pris dans les mailles de leurs destins verticaux, de l’universalité de l’aventure humaine. 

Une épopée en forme de tragédie grecque, où les lieux ne sont que supports, décors majestueux et démesurés, qui encerclent la ligne de vie verticale que constitue une voie d’alpinisme. Pendant six nuits et sept jours on plonge dans les profondeurs de la nature humaine quand elle se confronte à ses limites, poussée par une nature hostile. Le titre résume à lui seul le livre, sorte de micro-nouvelle à la Hemingway, et contient déjà les tenants et les aboutissants, la cause et les effets, la joie et le drame, le jour et la nuit. Le pitch : à l’été 1961, le monde de l’alpinisme extrême lorgne avec envie la face sud du Mont-Blanc où le Pilier central du Frêney constitue l’un des derniers défis de cette face. 

Réunis par le hasard, ou les dieux…

Une ligne vierge comme en rêvent les alpinistes. Une voie extrême techniquement et qui projette son granit compact à plus de 4000 m. L’accès pour atteindre l’attaque constitue déjà une course en elle-même. L’engagement est total, la montagne gigantesque et, ici encore plus qu’ailleurs, la météo capricieuse est la clé de voûte de l’entreprise. Dans ce monde de roc et de glace, l’homme n’est que poussière. En ce début juillet une fenêtre météo offre la tentation à deux groupes qui décident de tenter l’aventure sur le Frêney : des Italiens au départ de Courmayeur, et des français qui montent de Chamonix. Et c’est ainsi que réunis par le hasard, ou les dieux, se retrouvent au refuge de la Fourche l’immense Walter Bonatti, accompagné de Roberto Gallieni et Andrea Oggioni, et le talentueux Pierre Mazeaud avec sa bande de copains, Pierre Kohlmann, Antoine Vieille et Robert Guillaume. Cette rencontre dans ce refuge perdu loin du monde constitue la première scène du premier acte, une scène de joie où l’amitié est reine, où ces sept alpinistes qui sont parmi les meilleurs de leur génération sont aussi et surtout des gentlemen, des vrais ! « Bonatti invite les français à maintenir leur objectif, lui fera une autre course », les français touchés par l’élégance du geste de Bonatti proposent qu’ils fassent cordée ensemble… Ils partiront à l’assaut tous attachés à la même corde. Le décor est posé, les acteurs sont en place. A partir de là Virginie nous entraîne dans un voyage au bout de l’enfer où les sept protagonistes encordés à un destin commun vont être ballotés tels des fétus de paille dans une tempête dantesque. 

L’écriture se dédouane de tout récit technique, l’alpinisme n’est pas le sujet…

L’auteure avec talent ne fait pas que raconter. Elle met en musique les paroles qu’elle a recueillies de Pierre Mazeaud, les textes de Bonatti… On ne lit pas, on ne lit plus, on vit l’action. Le récit nous immerge dans la tempête, dans l’angoisse, dans la peur, dans l’espoir, dans la tempête encore, dans cette aventure claustrophobe où les héros sont prisonniers d’une ligne verticale, écrasés par un paysage infini à l’horizon bouché. Les inlassables coups de semonce de l’orage nous font sursauter, le blizzard nous fend le visage, le froid engourdit nos doigts, nos pieds… La descente est interminable… On vit chaque rappel, chacun comme une souffrance et un pas vers la délivrance. Le sort s’acharne. Y a-t-il une fin ? L’écriture de Virginie se dédouane de tout récit technique, pas de cotation, quelques pitons, quelques cordes, un marteau par ici, une corde et des crampons par-là, l’alpinisme n’est pas le sujet, le sujet de cette Odyssée c’est l’Homme, des hommes, projetés face à eux-mêmes, pleins de leur force et de leur faiblesse, par des éléments déchaînés. La richesse de l’écriture de Virginie nous donne une vision intérieure. Nous ne sommes pas spectateurs de l’action, mais témoins. Témoins de la souffrance et du courage, de l’incroyable volonté de survie qui résiste encore et encore, mais qui inexorablement se consume lentement comme une bougie à la flamme vacillante dans un courant d’air. Témoins impuissants de ces secondes sans fin qui écraseront de leurs masses abstraites ces sept jours de dérive. 

Une pépite qui mérite sa place dans votre bibliothèque

Quatre des sept alpinistes ne rentreront jamais dans la vallée, morts d’épuisement, les derniers à portée de main des sauveteurs. Ce drame rentrera dans la mythologie de l’alpinisme. Pour les survivants la vie sera bouleversée à toujours. Virginie fait dire à Walter Bonatti : « Là-haut, en orbite, on prend la lumière autrement » … Oui ! car fondamentalement, finalement, de retour dans la vallée on se rend compte que ce livre parle en fait de lumières, celle de l’amitié, de la passion, de la Nature grandiose des paysages de haute montagne, et celle qui brille dans le cœur des hommes quand la pénombre voile leurs regards. 

On dévore le livre de Virginie même si l’on n’a aucun atome crochu avec l’alpinisme.  Une pépite qui méritera sa place dans votre bibliothèque aux côtés des classiques de la littérature alpine. Alors, avant d’attaquer le Frêney, allumez un bon feu dans votre cheminée, engouffrez-vous dans votre doudoune, enfilez votre bonnet et vos gants de laine... Vous allez avoir « frais ». Et pour accompagner votre premier bivouac sur le pilier du Frêney, ce petit extrait : « La nuit est une étendue infinie de noir, piquée de clous d’or et de reflets bleus d’été, les couleurs remontent comme un éternel chuchotement ». Belle lecture...

Fernando Ferreira

Chronique de Nicole Grundliger / Blog motspourmots

Au milieu de l'été, un invincible hiver - Virginie Troussier

23 Janvier 2021 , Rédigé par Nicole Grundlinger

Ce titre magnifique qui bouscule Camus avec grâce est le premier échantillon du talent de Virginie Troussier. Ce récit est celui d'une passionnée mais aussi d'une écrivaine qui transforme la lecture en une expérience sensorielle et émotionnelle rarement vécue. Capable de décrire et de transmettre la moindre sensation. Par le regard qu'elle pose sur les hommes. Par sa fine appréhension de l'univers dans lequel ils sont plongés. Par son envie de donner à ressentir plutôt que de raconter. Faut-il être amateur d'alpinisme pour savourer ce livre ? Je ne le suis pas et pourtant j'ai vibré, frissonné. Il suffit d'apprécier l'idée de l'exploit sportif, de la passion vécue pleinement. Et quand même d'aimer un peu la montagne. Mais le propre de l'écrivain est de parvenir à vous transporter dans des univers qui ne vous sont pas familiers. Et quand on a goûté à l'écriture de Virginie, comme ce fut mon cas la première fois avec Pendant que les champs brûlent, on la suit dans tous ses périples, fut-ce pour atteindre le sommet du Mont-Blanc.

En ce mois de juillet 1961, deux groupes d'alpinistes ont la même idée : profiter d'une fenêtre météo favorable pour s'attaquer à la dernière voie d'accès au Mont-Blanc encore vierge : le pilier central du Frêney, "la plus haute escalade d'Europe, le dernier rempart du mont Blanc, le "dernier problème des Alpes", qui excite l'élite de l'alpinisme européen". Le premier groupe est italien, mené par Walter Bonatti qui connait le massif par cœur pour y avoir ouvert des dizaines de voies et tracé maints itinéraires. Il est accompagné de Roberto Gallieni (son client) et Andrea Oggioni, compagnon de nombreuses cordées. Le second groupe est français, mené par le chevronné Pierre Mazeaud entouré de Pierre Kohlmann, Antoine Vieille et Robert Guillaume. Tous sont expérimentés, organisés, prévoyants. Les deux groupes se rencontrent au refuge de la Fourche et décident de coopérer pour tenter d'accomplir cette première. La photo du bandeau de couverture montre les quatre français, la veille du départ, heureux, confiants. Trois d'entre eux ne reviendront pas. Au moment d'attaquer l'escalade de la dernière partie du pilier, les sept alpinistes vont être victimes d'un orage dantesque, pris au piège de ce pilier qui est "le plus bel arc-boutant du "Toit de l'Europe", la dernière verticale du ciel des Alpes. Il est coiffé par la Chandelle, un obélisque massif de granit rouge : un paratonnerre. Quand l'orage éclate sur le versant italien du Mont-Blanc, la foudre frappe ici, fatalement". Ce n'est pas pour rien que le pilier central est "l'obstacle ultime".

Jour après jour, nuit après nuit, Virginie Troussier nous fait vivre d'abord la préparation, la beauté de l'avancée dans des paysages grandioses, l'allégresse de la montée vers l'exploit, puis l'enfer de ces hommes, entraînés et aguerris mais confrontés à une violence des éléments totalement imprévue. Il est en principe exclu qu'à cette période de l'année un orage dure plus d'une journée. Et pourtant. Le vent glacial qui fouette les corps pendant des heures interminables, les flocons qui recouvrent tout et noient les repères, la foudre qui fera griller l'appareil auditif de l'un des hommes, les organismes soumis à une épreuve que le commun des mortels ne supporterait pas plus de quelques minutes. Au milieu émerge la figure de Walter Bonatti, d'une constitution et d'une résistance hors normes, travaillée pendant des décennies. Un colosse qui jette toutes ses forces dans la bataille et tente jusqu'au bout de ramener tous ses compagnons vivants. Puis vivra le restant de ses jours avec le poids des quatre disparus.

Dans ces pages, la montagne est belle et cruelle, les hommes qui s'y aventurent le font avec une humilité qui ne suffit pas toujours à les faire revenir. Et ceux qui reviennent tels Mazeaud et Bonetti finissent par comprendre que "seuls les lieux restent à la fin, à la fin de tout, ils continuent, ils persévèrent avec les âmes de ceux qui les ont traversés, ceux qui y sont restés". La parole est aux vivants, encore emplis du souvenir de ceux qui ne sont pas rentrés. Et les pages qui s'inspirent de l'entretien entre l'auteure et Pierre Mazeaud, toujours en vie, sont sublimes dans ce qu'elles disent des joies et des chagrins mêlés, emprisonnés dans un même souvenir, celui de l'amitié et de ces "heures passées à tutoyer la vérité d'un être, d'un paysage".

Ce que nous raconte Virginie Troussier, c'est la fulgurante beauté d'une aventure humaine. Et c'est à pleurer d'émotion.

"Au milieu de l'été, un invincible hiver" - Virginie Troussier - Guérin - 120 pages

http://www.motspourmots.fr/2021/01/au-milieu-de-l-ete-un-invincible-hiver-virginie-troussier.html?fbclid=IwAR04vOBJQj-M9jXP_1mpBJafZI67c8hYeW-iGxmIqvIawU0YwADxRewh7RU

Pierre Mazeaud

L’un des protagonistes de l’invincible hiver est Pierre Mazeaud. J’appréhendais de raconter son histoire, d’écrire ce que je n’avais pas vécu. Je l’ai rencontré plusieurs fois, nous avons discuté, découpé le brouillard. J’ai écouté la musique de ses phrases, et longtemps je me suis laissé habiter par elles. Ce que j’ai éprouvé face à lui allait être ce qui donnerait de la vie, de la chair à mon texte. C’est ce qui m’intéresse dans l’écriture : explorer le fond de l’être pour étendre le champ d’action de ce qu’on exprime. Ecrire a été une façon de prolonger un mouvement. Les mots se sont glissés sous la peau du récit afin de faire émerger ce que Mazeaud ne me disait pas, l’indicible. Je voulais rentrer dans le vif du réel, les livres doivent prendre le risque de s’aventurer dans les zones immergées. Il y a une semaine, le jour de la sortie, David de TV Mountain m’a transmis cette video réalisée par Emilie Mazeaud, la fille de Pierre. Je ne m’y attendais pas, c’est un cadeau immense qui m’a émue. Je garderai toujours en moi ces images et ces mots, et je me dis que la littérature semble avoir rempli son rôle : faire ressentir, se rapprocher de l’intime, rendre un peu moins irrémédiables les disparitions qui nous dévorent.



Mario Rigoni Stern

Mario Rigoni Stern n’aimait pas l’été, la neige a accompagné son existence, réveillant toutes les années une douce mélancolie. Son éditeur italien disait qu’il avait la grandeur que les solitaires ont. Il fuyait le bruit des plaines et plaçait toute sa confiance dans la parole : « Nous sommes en train de perdre le sens des mots, leur force thérapeutique. Pourtant l’homme a besoin de mots, c’est pour cela qu’il cherche à en garder la trace. » Il encourageait les jeunes à vivre sur les hauteurs : « Là-haut vous pouvez encore voir les étoiles. Parlez entre vous, tombez amoureux, n’ayez pas de complexes et essayez de vous rebeller ». À lire dans le dernier numéro de Alpes Magazine.





Au milieu de l'été, un invincible hiver

 Les livres ne sont jamais des blocs opaques séparés de la vie de ceux qui les écrivent. Ce livre a orienté ma manière de vivre au moment où je le travaillais. Une communication étrange s’est opérée entre lui et moi sans que je puisse clairement établir qui, véritablement, guidait l’autre. Il m’a fallu physiquement éprouver la matière de mon texte en poussant mon corps dans ses lignes. Avec Vincent, retourner sur les lieux de l’histoire, la face sud du mont Blanc. J’y avais tant songé, que je n’ai pas eu l’impression de m’être déplacée pour y être. Avec Mauro, prendre le café au lever du jour en regardant la montagne sous toutes ses lumières, et entendre résonner la moindre palpitation. Chaque mouvement là-bas entraîne une sensation amplifiée. Funambule chavirant dans l’immensité de l’instant, il m’a fallu entrer en fusion avec ce qu’il s’est passé il y a bientôt 60 ans, avec l’histoire de ces alpinistes joyeux, incroyables, qui se logent en vous avec une telle puissance que l’on ne peut qu’en être troublé. Discuter avec celui qui reste, Pierre Mazeaud, chercher des traces, des indices, un geste, lorsque les crêtes ont tremblé cet été-là, lorsque le sol a débordé dans le ciel, et le ciel s’est écrasé sur la roche. Plonger dans tout ce qui échappe. Les mémoires sont labiles, mais l’écriture nous permet toujours de se rapprocher de ce qu’il y a de plus vibrant. Merci à tous ceux qui m’ont accompagnée, et surtout à Charlie Buffet des éditions Guérin Chamonix / Paulsen. En cette année si étrange, traversée par ce que j’ai perdu et ce qui me manque, je relis pour la dernière fois avant janvier 2021, cet hymne à ce qui dure, à ce qu’il y a de plus intime et de plus permanent en nous.







Donner une voix

 Dans son livre Trouver refuge, tout juste paru chez Glénat, Stéphanie Besson se fait mémorialiste des sentiments, du vécu et des expériences des migrants ainsi que des hommes qui les ont accompagnés ; une archive souterraine de l'histoire de notre pays, et de Briançon, ville à la fois frontière et montagne. 
À lire dans le dernier numéro actuellement en kiosque de Montagnes Magazine
https://www.montagnes-magazine.com/actus-trouver-refuge-donner-voix-migrants





Le corps en représentation - Mots et images du sport

Je reviens sur l'édition du Vendée Globe 2016 qui m'a particulièrement marquée, dans l'ouvrage passionnant - Mots et images du Sport, le corps en représentation - sous la direction de Jean Cléder & Gaelle Debaux, paru en 2020 aux éditions le Bord de l'eau.