Rilke

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vendredi 30 avril 2021

Au milieu de l'été, un invincible hiver

 Les livres ne sont jamais des blocs opaques séparés de la vie de ceux qui les écrivent. Ce livre a orienté ma manière de vivre au moment où je le travaillais. Une communication étrange s’est opérée entre lui et moi sans que je puisse clairement établir qui, véritablement, guidait l’autre. Il m’a fallu physiquement éprouver la matière de mon texte en poussant mon corps dans ses lignes. Avec Vincent, retourner sur les lieux de l’histoire, la face sud du mont Blanc. J’y avais tant songé, que je n’ai pas eu l’impression de m’être déplacée pour y être. Avec Mauro, prendre le café au lever du jour en regardant la montagne sous toutes ses lumières, et entendre résonner la moindre palpitation. Chaque mouvement là-bas entraîne une sensation amplifiée. Funambule chavirant dans l’immensité de l’instant, il m’a fallu entrer en fusion avec ce qu’il s’est passé il y a bientôt 60 ans, avec l’histoire de ces alpinistes joyeux, incroyables, qui se logent en vous avec une telle puissance que l’on ne peut qu’en être troublé. Discuter avec celui qui reste, Pierre Mazeaud, chercher des traces, des indices, un geste, lorsque les crêtes ont tremblé cet été-là, lorsque le sol a débordé dans le ciel, et le ciel s’est écrasé sur la roche. Plonger dans tout ce qui échappe. Les mémoires sont labiles, mais l’écriture nous permet toujours de se rapprocher de ce qu’il y a de plus vibrant. Merci à tous ceux qui m’ont accompagnée, et surtout à Charlie Buffet des éditions Guérin Chamonix / Paulsen. En cette année si étrange, traversée par ce que j’ai perdu et ce qui me manque, je relis pour la dernière fois avant janvier 2021, cet hymne à ce qui dure, à ce qu’il y a de plus intime et de plus permanent en nous.