Rilke

Rilke

samedi 27 décembre 2014

Critique Envole-toi Octobre sur Les Nouveaux Livres

Ce roman ne ressemble pas à un roman. Il ressemble à un journal intime, sûrement poétique, peut être narcissique, sans doute thérapeutique, délicieusement mélancolique, et pourtant emplit d'une rage de vivre incontestable. 
Ce roman nous dérange, bouscule, interpelle,  nous donne envie de fuir la trouble intimité de la narratrice, et pourtant de rester, peut-être pour la consoler, ou bien pour voir jusqu'où elle pourra nous capturer.
Ce roman est un miroir. Le miroir de nos peurs les plus intimes, de nos angoisses face au temps qui passe, mais aussi de nos instants d'émerveillement au cœur de notre vie insaisissable.
Ce roman est un paysage. Un paysage sans commencement et sans fin, qui défile en bousculant sans cesse notre cœur et nos pensées. Une montagne enneigée,  une forêt d'épineux, un ciel gris, des oiseaux dans le vent, une plage, la mer, des étoiles, encore une montagne, une ville, un hôpital, une route de campagne, un rayon de soleil couchant...
 "Et quand le soleil fait miroiter son horizon, fait découvrir ses ombres flottantes, on découvre avec joie la vie comme une île"

http://www.nouveauxlivres.fr/Pages/ENVOLETOIOCTOBRE.aspx

vendredi 21 novembre 2014

Une chronique de Séverine Laus-Toni pour Envole-toi Octobre


IMG_6115
Après Septembre, nous attendons toujours une fin, en observant précisément les oscillations de notre cœur. Nous regardons les oiseaux qui volent si bas, dévorer ce qu’ils peuvent comme si la plus grande des guerres leur pendait au cou, ou comme si, au contraire, il était urgent de vivre, le plus délicieux, le plus vite possible avant de fuir ailleurs. C’est bâtard et troublant d’être né en automne. Entre le soleil et la pluie, souffrir et se réjouir de la fragilité du temps, ne pas réussir à compter sur ses doigts les heures qui séparent marée haute de marée basse, tenir au monde par un scotch usé. On peut abriter une saison sous son col, sous sa peau, ses ongles, son oreiller, comme une dent par la fenêtre de l’enfance. On peut avoir quelques pas d’avance sur la saison qui vient et cerner la forme que prend le désir, avant d’aimer à s’en sucer la moelle, puis hurler, à en rougir. Tout peut si vite devenir pimenté. Car, de ce gris ambiant, advient toujours, d’un ciel ouvert comme une orange, un éclairage nouveau et vaudou. L’automne sème des grenades entre les dents et nous les dégoupillons avec la bouche.
Envole-toi Octobre est le récit d'une héroïne dont la mélancolie cache une indécente adoration pour la vie. Que doit-on faire couler dans nos veines pour que cela circule? 
J'ai commencé la lecture de ce livre par une sublime dédicace, j'étais donc fortement émue avant même d'avoir lu les premières lignes du roman...
Entre nous, à sa lecture (de la dédicace), j'étais presque sûre que je n'allais pas être déçue, et de fait, la dédicace se révèle être dans la même veine touchante, émotive et vivante que le roman.

Un roman au très beau (et symbolique) titre, plein de folie, de rage et de difficulté de vivre, un roman avec ses petites maladresses et tendresses, qui fait valdinguer dans tous les sens et se cogner contre les murs de la vie comme Suzanne, l'héroïne, que l'on a envie d'aimer, d'écouter, accompagner.  Parce que Suzanne c'est un peu nous... du moins y retrouvais-je un peu de moi, parfois.
Alors je lisais, posais, notais, respirais, reprenais... je voyais une jeune femme, un peu border-line, un peu inadaptée à la dureté de la société/des relations actuelle(s), confrontée aux questions, aux doutes, aux absences, aux envies, aux colères, à la solitude et aux manques que l'on traverse...
Une jeune femme débordante d'envie de vivre au présent, tout en respectant le passé et analysant le sien, qui cherche en elle son 
renouveau, en montagne, auprès de ses parents/amis, à l'hôpital, ou enfermée dans son appartement parisien... sans jérémiades, mais avec frénésie et émotion, et tant de phrases qui font mouche.
Envole-toi Octobre est comme un champ d'herbes folles (où l'on peut se perdre), traversé de tempêtes ou innondé de soleil, plein de la mélancolie et de la rage de vivre qui nous animent alternativement.
Une quête à vif, de soi, d'amour, des autres... Une recherche, 
faite d'accidents de parcours, d'un chemin parfois injustement encombré qui déroute... la vie en somme... hyper-sensiblement décrite par la plume embrasée de Virginie Troussier.

"La vie ne cesse pas. Ne plus vouloir - c'est à dire ne plus désirer, ne plus aimer, ne plus s'efforcer, ne plus refuser, en fin de compte ça ne sert ) rien. Pour chaque racine de la volonté extirpée, d'autres surgissent ou révèlent une présence que nos préoccupations passées nous empêchaient de voir."
Lecture des premières lignes d'Envole-toi Octobre par Virginie Troussier:
L'auteur(e) >> Virginie Troussier est née en 1985. Elle signe ici son deuxième roman après Folle d’absinthe paru en 2012.

jeudi 6 novembre 2014

Critique de Cécile Pellerin pour Actualitté - Envole-toi Octobre : une femme sous influence

  • Zoom moins
  • Zoom plus
  • Signaler erreur
  • Imprimer
  • Envoyer à un(e) ami(e)
illustration
ISBN : 9782359450491
Prix eBook :
Prix papier : 21 euros
Pages : 300 pages
Editeur : Myriapode
Retrouver Myriapode de Virginie Troussier sur la librairie de ActuaLitté
Après Prune, la narratrice du précédent roman de Virginie Troussier(Folle d'absinthe, Myriapode, 2012), voici Suzanne, jeune femme, à l'aube de la trentaine, tout aussi fragile et hypersensible, en quête d'absolu, impulsive et instable.

« Tant que je vivrai, je me confronterai au danger, pour que toujours le plus intense, l'emporte […] Gagner mon corps, le pousser à bout, ne pas le craindre. Je voudrais gagner la souffrance physique, l'exploiter, la transcender. »

Immanquablement séduisante et troublante, (« je me sens  toute heurtée, même cabossée ») elle emporte le lecteur dans les affres de la folie et de l'émotion, l'indispose et le retient tout à la fois, le submerge et l'anéantit sans pour autant l'inquiéter ni le maltraiter car, au cœur de cette personnalité intense et bouillonnante, sans doute borderline,  s'exhalent une douce chaleur, une grâce indéniable, capables de pondérer l'excès, apaiser les dérives, embellir la vie même et enchanter la lecture au final.
Dans ce récit très introspectif, Suzanne s'étudie avec minutie et s'accomplit, se libère et s'émancipe. Sorte de quête initiatique, semée d'embûches et de dérives douloureuses, de doutes profonds et dévastateurs, de rencontres, amoureuses ou non, bouleversantes, qui la construisent ou la détruisent mais la renforcent, chaque fois, atténuent ses peurs, la délivrent peu à peu d'un passé étouffant.
Tour à tour défilent autour d'elle, Antoine, Thomas, George, amants, amis à jamais, son grand-père Lucien, dont elle l'admire la vie, entièrement vouée à sa femme défunte, son père, exigeant et inatteignable qu'elle craint sans cesse de décevoir, sa mère, dans son rôle de mère et Charly, son voisin, avec qui elle franchit les limites, se brise à plein poumons, hurle ses angoisses, n'échappe plus à sa douleur et à sa mélancolie, aspire à l'expérience surréaliste suprême de l'amour fou et s'abandonne entièrement, jusqu'à se déposséder d'elle-même.

Devenir folle. Pour mieux renaître ensuite. « Oui, j'ai envie d'être vraiment folle et de ne plus l'être à moitié ».
« Une raison qui zigzague en pente comme un parcours de ski de randonnée en montée. »

Un cheminement houleux et vallonné, qui la mène des sommets alpins jusqu'à Paris,  également philosophique et artistique, de Spinoza à Epictète, en passant par Antonin Arthaud, les poétesses russes, les Beatles ou Bach ; torturé, effrayé, parfois complexe, toujours sensible, à la fois intime et exubérant, contenu et excessif, extrêmement vivant.

« Le plus difficile est de faire comprendre cette souffrance que l'on a en soi. Immense. Sans fond. »

Inédit et touchant,  c'est un récit empreint d'une sincérité vulnérable et délicate dont le lecteur se fait  d'emblée le protecteur et le complice, de page en page, sans répit ni lassitude, interpellé, mis en émoi, grâce notamment à une écriture poétique, intense et sensuelle, ultrasensible où chaque objet, chaque paysage, chaque sentiment, par leur description minutieuse et nuancée, réveillent tous les sens, pénètrent l'âme et le cœur.

Un style éclatant, en fusion permanente avec Suzanne, qui fait corps avec elle et saisit le lecteur, littéralement intégré au rythme, porté par ce mouvement tantôt fébrile, tantôt assuré, si expressif.
Une histoire, tel un patchwork, une sorte de constellation dont le déroulement (toujours sous contrôle) est cadencé  par une succession de digressions maîtrisées, toutes liées à Suzanne,  disposées là comme l'expression même du tumulte, de l'agitation qui l'animent et la menacent. « C'est hors de contrôle, en plus ça ne passe pas, en dehors de la tête […] C'est l'avènement du monstre en moi. »

Si ça et là parfois, le lecteur est incommodé, a du mal à suivre l'héroïne dans ses pensées intimes, sa vie intérieure, s'il se sent dépossédé de l'histoire, impuissant, mal à l'aise avec Suzanne et sa sincérité absolue, intimidé même par son esprit, sa précision d'analyse, il  lui reste pourtant fidèle jusqu'aux dernières pages, veut croire à son envol,( et au talent de cette jeune écrivain, assurément prometteur) stimulé et séduit par cette écriture très personnelle, poétique et musicale, sensitive, qui le pénètre, tel un parfum ardent et capiteux.

L'article ici : https://www.actualitte.com/critiques/envole-toi-octobre-une-femme-sous-influence-2504.htm

mercredi 15 octobre 2014

La beauté est bizarre

Alain Bourdon a créé mon portrait. Il m’a dit : « Il faudrait faire ça tous les jours. Toute ta vie. 
Et on aurait Virginie Troussier ».  J’ai passé un long moment à le regarder, cherchant si cela me ressemblait. J’ai eu tout de suite envie d’en faire quelque chose. J’ai pensé que je pouvais le vendre aux enchères, me faufiler dans les salles de vente, démasquer l’acheteur, le suivre dans la rue et essayer de savoir qui il est. J’ai imaginé aussi que je pouvais simplement l’offrir à Alain Bourdon, encadré d’un beau bois comme il aime, l’accompagner d’un mot bien choisi, genre « tes yeux sont les miens » ou « notre œuvre commune », etc, etc. Et puis, j’ai trouvé. Je vais l’exposer, le planter là, dans le blanc de mon mur, ainsi que sur la toile virtuelle, me regarder dans le verre qui le protège, et dans l’écran de mon ordinateur, comme au musée, quand je m’observe moi dans la vitre, plutôt que le tableau derrière.
C’est mon portrait déformé au premier abord dont je pourrai dire, quand on me demandera qui c’est, que c’est une œuvre d’art, un portrait photographique d’un jeune artiste du 11ème, que je l’ai acheté dans une galerie, assez cher, tout en sachant que ça les vaut. Certains connaitront, d’autres pas, ou feront semblant. On en parlera. Je ferai monter sa cote avec mes propres cordes. Je raconterai l’histoire de cette photo jusqu’à ce qu’elle devienne un objet de convoitise. Elle prendra de la valeur au rythme de mon conte. C’est moi qui dorerai son cadre. Un jour, quand elle aura pris ce qu’il faut d’épaisseur, je déciderai qu’elle pourra voler de ses propres ailes.

Elle, qui était-elle ?

Il se peut que l’idée originelle d’Alain Bourdon était de faire ressembler des modèles à ses portraits imaginaires, et pas le contraire, faire croire que ses photos, ses dessins, ses regards, ses créations préexistent à la réalité. Et moi, j’ai donc été son œuvre. Il m’a créé à travers mes photos pour me conformer à ses idées. Pour être sa réalité. Je suis devenue cette fille et je vais m’y habituer, et lui aussi. Il va me confondre, me fondre dans son décor. Je jouerai à celle qui s’y sent bien, jamais à ma place, je remonterai sa pente en essayant de ne ressembler à rien d’autre. Alain Bourdon m’observe comme si c’était lui qui m’avait faite. Je suis son œuvre. Il va tourner autour de moi pour me saisir. Je reste dans son cadre. Il me fixe pour regarder ce que ça donne, satisfait de me voir, à mon tour, dans son moule.
Je suis entrée dans son œil, il m’a façonné, je suis sur sa sellette.

La vie a lieu là où les regards se posent. Nous créons des formes abstraites que nous remplissons de notre délire.

Je regarde le portrait. C’est étrange. Les théories sur le chiffre d’or et les proportions, ne m’intéressent pas. « La beauté est toujours bizarre », disait Baudelaire. La symétrie, c’est laid, ça ne donne que des gueules rincées. On ne voit d’ailleurs jamais vraiment notre visage tel qu’il apparaît aux autres puisqu’il est tout retourné par les miroirs. Du coup, sur les photos, on trouve qu’il y a quelque chose qui cloche. Nous n’avons pas l’habitude de voir notre visage dans ce sens-là comme nous n’avons pas l’habitude de voir celle des autres dans le miroir…la beauté c’est peut-être une question d’habitude. D’ailleurs, nous sommes souvent attirés par les traits qui nous rappellent quelque chose, ou des traits qui inconsciemment ressemblent aux nôtres. Nous, on se préfère à l’envers mais on préfère les autres à l’endroit. Chaque fois que mon regard se réfléchit sur lui-même à travers un miroir, mes yeux m’érodent comme de l’acide, des rayons laser qui attaquent comme un essaim invisible.

En regardant une photo, un portrait, notre miroir, l’esprit se gorge aussi du plaisir de l’extraction.  Ca fait le même effet qu’une dent de lait longtemps titillée, une pêche longtemps mûrie. Nous sommes plein d’affection pour ce fruit de nos entrailles, même si une pointe de douleur apparaît comme la sensation d’une lame dans le dos. Les photos ne sont que des petites plaies qui cicatrisent, des petites croûtes. La vie de la chair nous laisse pour tout souvenir que des écorces. Des morceaux d’images. Passées. Mortes. Découpées. Une multitude de petites coupures de papier qui croûtent et coupent.

Je change avec le temps. Et mon regard se déforme à chaque seconde écoulée. Il se modifie presque génétiquement, physiquement, il se gonfle des dernières pluies et se colore des dernières lumières. Je change, mais je ne meurs pas. Ce portrait fait de mon présent un passé perpétuel.

Alain Bourdon -l’artiste du 11ème - a assemblé tous ces miroirs qui me composent pour me renvoyer à mon image. Le danger est qu’ils réfléchissent trop, qu’ils crient la vérité, comme les tableaux, le cubisme de Picasso. Ils sont des morceaux, mais ils restent mes miroirs, mon image éclectique. Mon « moi » non monolithique. L'échappée belle de la folie. Ils mettent en lumière mon rapport instable, fantasmatique, parfois douloureux que nous entretenons avec notre propre image, oscillant entre l’être et le paraître, l’objectivité et la subjectivité, l’intimité et la mondanité, le narcissisme et l’insatisfaction de soi. Miroir transparent, distillant, déformant, opaque, brisé, aveugle ?

On se nourrit inlassablement et inconsciemment des regards comme les regards se nourrissent de notre image. Tout s’imbrique, s’entremêle, se forme et se déforme sans cesse, en se réfléchissant à l’infini, frôlant les schizophrénies, révélant nos mille facettes. Sous le flash de l’artiste, je suis face à elles, ces vérités muettes.

Et si on ne peut apprivoiser son corps, on peut le dépasser. Il n’est pas la fin mais le moyen de mon existence au monde, existence à laquelle il ne tient qu’à moi de donner un sens.


dimanche 12 octobre 2014

Octobre

Au milieu de chaque saison je sais qu'il y a en moi un automne invincible.